( Creation Novembre 2018, Mains d’œuvres SAint-Ouen )
Texte : la compagnie fortuite
Mise en scène : Pierre Andrau
Jeu : Pascal Paolini, Charles-Henri Wolff
Scénographie : Alexandre Nesi et Sanae Nicolas
Création sonore : Lorenzo Targhetta
Création Lumière : Pierre Peyronnet
RÉSUMÉ
Nous créons un spectacle sur la très haute montagne et sur les fantasmes que l’on y projette ; un projet pluridisciplinaire croisant Théâtre, Musique et Arts numériques.
Dans un dispositif scénique et sonore immersif nous racontons l’expédition théâtrale de deux acteurs. Nous voulons donner à vivre aux spectateurs l’expérience du vertige de l’alpiniste.
« L’Everest foulé, Vénus ne reviendra plus sur terre. L’impossible se trouve désormais dans le champ des hommes. Qu’avons nous conquis, gagné ? Le leurre inévitable, mais en faveur duquel nous devons plaider. » René Char.
NOTE D’INTENTION
Le point de départ du projet vient de ma fascination pour la très haute montagne, pour ce geste fou de vouloir atteindre ses sommets. Je souhaite explorer et mettre en jeu les contradictions que portent en elles ces ascensions.
Grimper semble être un geste d’isolement. Le premier homme à avoir réussi l’ascension des quatorze sommets du globe s’élevant à plus de 8000 m d’altitude, Reinhold Messner, parle de « fuir la dégénérescence du monde ». Toutefois, en observant un homme seul à une altitude aussi élevée, on le voit confronté à la tempête, à des températures hostiles, au manque d’oxygène, au déchainement des éléments contre lui ; en d’autres termes, à la Nature omnipotente. Il est, en fait, pleinement en prise avec le monde et la manifestation de sa « colère ».
À nous habitants des plaines ou des vallées, l’envie de s’exposer à de tels dangers nous semble absurde, elle nous parait être une « pulsion de mort ». L’alpiniste répond qu’accroché à la paroi d’un glacier la seule idée qu’il a en tête est d’en redescendre vivant.
Demandez à un alpiniste pourquoi il grimpe, il lui est impossible de répondre. S’il répondait à cette question il arrêterait de grimper.
Que recherche t-il ? Le privilège de la vue, le spectacle du paysage au sommet après la marche ? Peut-être, mais rapidement pendant l’ascension il n’y a plus de spectacle, il ne reste que la marche, il ne reste que l’effort.
En s’isolant loin des hommes, loin du monde civilisé, au dessus des semblables, l’alpiniste incarne l’égoïsme absolu. Cependant, face à l’immensité, il fait l’expérience de la plus grande humilité, « l’expérience de la vie nue » comme le poétise Messner. Il éprouve les limites, toutes les limites : les siennes propres et celles du monde. Il va à la rencontre de ses peurs et de sa folie.
Dans de nombreuses mythologies, la montagne figure le lien entre le terrestre et le divin. Maintenant que tous les sommets ont été conquis, ils auraient perdu cette « puissance analogique » qui est la leur et qu’identifie le poète René Daumal (Le Mont Analogue, 1952).
À nous de rêver par le théâtre un mont dont le sommet serait inaccessible. Comment réinventer cette espace de transcendance qu’est la montagne ?
Si nous transposons cette question : Comment réinventer cette espace de transcendance qu’est le théâtre ?
Comment, maintenant que chaque sommet a été gravi, plusieurs fois, par toutes ses faces, un jeune alpiniste pourrait trouver de nouvelles voies ? Comment, aujourd’hui, un jeune metteur en scène pourrait inventer de nouvelles formes théâtrales ?
Dans un monde dominé par des contraintes hygiénistes et sécuritaires, la notion d’aventure est empêchée, elle est réduite au champ du loisir et de la consommation. Les risques existent de moins en moins.
Mon envie est de créer de l’aventure, de se donner à vivre de l’aventure avec la pauvreté des moyens du théâtre.
De trouver, grâce au thème de la haute montagne, un terrain où explorer notre liberté.
Pierre Andrau
Le Leurre Inévitable (dossier artistique)
Une première maquette du projet a été présentée, en Juin 2017, au Théâtre Bernard-Marie Koltes de l’Université de Nanterre.